dimanche 5 décembre 2010

Malchie 3,13 à 18

Un Dieu décevant

Dans le cadre du procès qui, dans tout le livre du prophète, oppose Dieu à Son peuple, nous arrivons dans ce passage au 5ème contentieux entre les deux parties. Comme les quatre précédents, c’est sous la forme d’un reproche adressé par Dieu au peuple et d’une demande de justification par le peuple à Dieu sur le bien-fondé du reproche émis, qu’est construite l’argumentation visant à résoudre le différent :

1er reproche : Je vous aime : Mal 1,2 – Demande de justification : En quoi nous aimes-Tu ?

2ème reproche : vous méprisez mon nom : Mal 1,6 - Demande de justification : en quoi avons-nous méprisé Ton nom

3ème reproche : Vous me fatiguez par vos paroles : Mal 2,17 – Demande de justification : en quoi le fatiguons-nous ?

4ème reproche Vous me frustrez : Mal 3,8 – Demande de justification : en quoi T’avons-nous frustré ?

5ème reproche : Vos paroles ont été dures contre Moi : Mal 3,13 – Demande de justification : En quoi avons-nous parlé entre nous contre Toi ?

1. Ce que sont nos paroles :

C’est, dit Jésus, de l’abondance du cœur que la bouche parle : Matthieu 12,34. De même que, chez Dieu, la Parole est le moyen par lequel Il exprime ce qui est caché au plus profond de Lui-même, Ses intentions, Ses désirs : Hébr 11,3, la parole est chez l’être humain l’orifice duquel jaillit les sources qui habitent dans son cœur : Jac 3,10-11. La parole est plus que la formulation verbale de nos idées. Elle est, dit un commentateur, comme il en est pour Dieu : Ps 33,6.9, le moyen de création de notre univers. Quelle que soit la nature des paroles que nous prononçons, obligatoirement, elles affectent et façonnent notre environnement : famille, amis, relation avec Dieu et les autres. D’où la raison pour laquelle, selon Jésus, les paroles serviront de témoins à charge ou à décharge dans le jugement final qui scellera le sort définitif de tout homme : Mat 12,37.

2. Ce que sont des paroles dures contre Dieu

A l’écoute de ce que disent entre eux les israélites, Dieu leur fait le reproche de prononcer des paroles dures contre Lui. Que sont pour le cœur de Dieu des paroles dures à entendre ?

Analyse de la nature de ces paroles dures à entendre par Dieu :

a. Ce sont des paroles dans lesquelles perce la déception : v 14 ! Ceux qui les prononcent expriment le fait que ce qu’ils espéraient recevoir de Dieu, en échange des services qu’ils avaient rendus, n’a pas satisfait leur attente. Elles nous rappellent, dans une mesure plus grave encore, les paroles des pèlerins d’Emmaüs rencontrés par Jésus : Luc 24,21.

b. Ce sont des paroles empreintes d’accusation et de cynisme : v 15 ! Fruit de l’attente déçue, elles expriment les conclusions subjectives, qu’elles savent pourtant contraires au bon sens, auxquelles sont parvenues les personnes sur la base de leur analyse de la situation. Des paroles dures contre Dieu sont des paroles dans lesquelles on L’accuse de mentir et de ne pas être à la hauteur de Ses promesses !

c. Ce sont enfin des paroles qui sentent la colère, sentiment qu’expriment de manière universelle tous ceux qui, quelque part, s’estiment victimes de l’injustice. Des paroles dures contre Dieu sont des paroles dans lesquelles Dieu est accusé de ne pas être le Dieu juste qu’Il prétend être !

3. Analyse des causes sous-jacentes aux paroles dures que l’on peut exprimer contre Dieu

A la lumière de la réponse de Dieu donnée aux juifs du temps de Malachie, complétée par d’autres passages bibliques, trois causes peuvent être à l’origine des paroles dures d’amertume que nous pouvons prononcer contre Dieu :

a. 1ère cause : de fausses attentes

La 1ère raison pour laquelle les israélites sont déçus de Dieu est que leur foi s’est nourrie de fausses attentes à Son égard. A l’écoute de leurs arguments, il apparaît que les israélites ont doublement mal pensé au sujet de la conception qu’ils avaient de la bénédiction :

- la bénédiction était synonyme pour eux du don par Dieu d’une vie marquée par le bien-être dans le temps présent. Or, malgré leurs services, les israélites n’avaient pas vu leur situation sociale et matérielle changer.

- La bénédiction était envisagée chez eux en termes de gain, comme le salaire ou la rémunération de Dieu pour leurs services. La concevant comme un dû, ils ne pouvaient que se sentir lésés de ne pas obtenir en fin de compte ce à quoi ils pensaient avoir droit.

Nous devons absolument nous défaire, dans notre relation avec Dieu, des deux fausses idées sur lesquelles reposait la conception de la bénédiction de Dieu chez les israélites du temps de Malachie. Tout service pour Dieu qui repose sur un calcul est obligatoirement perverti à la base : Luc 17,10. Pour deux raisons au moins, notre relation avec Dieu ne reposera jamais sur un système d’échange équitable : la 1ère est que quoi que nous fassions pour Dieu, même s’Il s’en réjouit, nous ne Lui apportons rien de vital duquel Il serait privé sans nous : Psaume 50,12 ; la seconde est qu’il ne peut jamais y avoir égalité entre ce dont nous sommes redevables à Dieu et ce que nous Lui rendons ! De même, nous devons nous défaire de l’idée que servir Dieu nous mènera obligatoirement à une vie facile. Toute la Bible est là pour témoigner des souffrances, revers, calamités, épreuves dont ont souffert de nombreux serviteurs, par ailleurs fidèles à Dieu : Job, Moïse, Joseph… La bénédiction que conçoit Dieu pour nous est le plus qu’apporte le fait de Sa présence fidèle dans nos vies, non celui que représenterait l’épargne de toute difficulté : Mat 28,20.

b. 2ème cause : le danger que représente l’illusion d’une obéissance partielle

S’ils se trompaient dans leurs attentes à l’égard de Dieu, il est un 2ème domaine dans lequel les israélites faisaient fausse route : c’était le niveau de leur soi-disant consécration. Dans les reproches qu’ils adressent à Dieu, les israélites parlent comme si eux-mêmes étaient irréprochables à Son égard et que Lui seul avait manqué dans le contrat qui les liait l’un à l’autre. La réalité était tout autre. Non seulement les termes du contrat, tel qu’ils le concevaient, étaient faux, mais, de plus (tout le livre de Malachie en témoigne), la qualité des services qu’ils rendaient à Dieu était loin d’atteindre le niveau qu’Il attendait.

Il y a toujours danger à trouver satisfaction dans le niveau d’obéissance que nous démontrons envers Dieu. Une telle attitude, contraire à la motivation qui animait Paul : Phil 3,12 à 14 ; 1 Cor 9,24 à 27, peut peut-être fournir au cœur naturel des raisons d’en vouloir à Dieu, mais celles-ci, en aucun cas ne sauraient peser au point d’établir l’injustice de Dieu. Tant que nous n’avons pas atteint, dans l’obéissance à Dieu, le niveau de Jésus-Christ, nous n’avons aucun argument à faire valoir à Dieu pour prétendre à quoi que ce soit de Sa part : Hébr 12,4 à 13. « Souviens-toi de moi selon Ta miséricorde » est la seule prière que nous pouvons, en tant que serviteur, faire monter vers Lui : Psaume 25,6

c. 3ème cause : la perte de la juste perspective des choses

La 3ème cause de l’erreur de jugement que se faisaient, dans leur situation, les israélites à l’égard de Dieu vient de l’oubli de leur part de regarder le présent à la lumière du jugement inévitable qui va venir. Cette erreur était déjà celle commise par Asaph, lorsque trompé par les sirènes de la prospérité apparente dont jouissaient les méchants, il souffrait pour sa part de passer par l’épreuve : Psaume 73,1 à 5. Dans sa crise, Asaph se mit à penser comme les israélites contemporains de Malachie : il ne voyait plus quel avantage il y avait pour lui à marcher avec Dieu et Lui être fidèle, quel en était le gain ! Psaume 73,13-14. Le dilemme prit fin pour lui lorsqu’il considéra leurs fins : Psaume 73, 16 à 20. De ce point de vue seulement, il saisit à nouveau la différence qui existe entre le sort du juste et du méchant.

Le même argument est ici repris par Malachie. Oui ! Il est possible aujourd’hui que l’on ne trouve que très peu d’avantages à marcher avec Dieu ! Pire, il peut se trouver que l’on connaisse, en tant que croyant, un sort plus difficile que l’arrogant : Mal 3,15. Si c’est en cette vie seulement que nous espérons en Christ, dit Paul, nous sommes les plus malheureux de tous les hommes : 1 Cor 15,19. Car il arrive le jour de la colère : Mal 4,1, jour où la différence entre le juste et le méchant, celui qui sert Dieu et celui qui ne le sert pas : Mal 3,18, sera visible par tous ! Alors nous comprendrons à quel point notre foi en Dieu et notre obéissance sont un avantage. Nous trouverons alors sans difficulté toutes les raisons de Le louer pour Sa grâce et Sa fidélité à Ses promesses !

« Je désire avoir toujours devant les yeux à la fois le ciel et l’enfer, tant que je me tiendrai sur la jetée de cette vie, entre l’infini de ces deux océans ; et je crois en toute vérité que la méditation quotidienne des deux sied à tous les hommes de raison et de religion : John Wesley. »

4. La réaction des justes aux paroles dures proférées contre Dieu : Mal 3,16 à 18

Si Dieu entend les paroles dures qui sont prononcées contre Lui, que ce soit en public ou en privé, Il entend aussi celles de ceux qui, à contre-courant de l’avis majoritaire, ne peuvent, du fond de leur cœur, adhérer aux propos des désabusés. De tout temps, il apparaît que, au sein même de l’incroyance généralisée, un reste de fidèles à Dieu subsiste : cf 1 Rois 19,18 ; Rom 11,5 ; Luc 2,25 et 38.

« Les jugements de Dieu dans l’histoire ne sont jamais totaux (cf le déluge, Elie, Esdras et Néhémie…). Autrement, le rapport entre ce qui est passé et ce qui est à venir serait perdu. Ce qui survient à leur suite serait différent et indépendant plutôt que continuation et progrès… Une nouvelle vie doit toujours sortir du sein du jugement ; sans cela l’unité du tout ne saurait être conservée et le futur ne saurait être organiquement lié au passé ou au présent. Telle est la signification des hommes pieux dans le monde. Dans le jugement, ils sont les agents de chaque nouveau commencement. Ils témoignent de l’unité du plan de salut de Dieu. (Erich Sauer).

Nous sommes nous aussi, en tant que disciples du Christ, appelés à faire partie de ce reste, un groupuscule certes minoritaire, mais qui, dans sa minorité, fait entendre une autre voix, un autre son de cloche que celui véhiculé par la majorité désabusée, amère, méprisante envers Dieu. Outre le fait important de s’inscrire en faux par rapport au message global véhiculé autour d’eux, Malachie en relève un autre qui vaut largement le poids de l’opposition à laquelle il a à faire face. Ce poids est celui de l’appui et de l’approbation de Dieu pour les positions prises par ce groupe, positions qui, Il le promet, seront récompensées en leur temps : Mal 3,16 à 18.





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